15
August 2024
Backstage
Luc Robène et Solveig Serre
L’auteur en question souhaite remettre tous ses contrats de livres à la Société des gens de lettres. Il ne se souvient plus s’il a signé une cession de droits d’auteur, en tout cas il n’en retrouve pas trace. Il souhaite qu’on lui renvoie une copie scannée par e-mail. Or il y a un hic : le contrat n’existe pas. Ce n’est pas faute d’en avoir discuté à maintes reprises avec l’éditrice, une jeune femme charmante mais totalement débordée, l’ouvrage est paru sans contrat. Nous savions que cela n’était pas très raisonnable, mais le pragmatisme l’a emporté et nous avons lâché l’affaire. Après discussion, Luc et moi optons pour lui faire une attestation mentionnant sa participation au projet et son absence de rémunération, assorti au passage d’une explication que nous non plus n’avons rien touché pour le livre.
10 h 52. Mail de Pete Dale, l’organisateur anglais de la conférence annuelle du Punk Scholar Network en 2020. Conférence nouvelle formule, adaptée à la crise du Covid : une semaine virtuelle, du 14 au 19 décembre, impliquant chacune des branches du réseau qui est en cours d’internationalisation. Lundi l’Australie et la Nouvelle-Zélande, mardi la Colombie et l’Indonésie, mercredi les États-Unis, jeudi l’Espagne, vendredi et samedi l’Europe. Je me demande bien comment tout cela va être réalisable avec les différents décalages horaires, et dans le fond je trouve stupide cette idée de colloque virtuel, ayant la conviction que les échanges et les rencontres les plus fructueuses avec les collègues se font justement pendant la partie extra-scientifique, qui ici sera réduite à néant. Mais on ne peut pas prendre le risque de s’exclure du réseau, alors qu’il nous a été déjà bien difficile d’y rentrer. Le 28 avril dernier, suite à un premier mail, Luc avait répondu immédiatement que nous étions partants, mais nous n’avons jamais eu de réponse. Apparemment notre mail n’a pas été correctement lu, car Pete déplore l’absence de participation de l’Allemagne et de la France à la manifestation. Il faut tout boucler ce matin, c’est urgent. Entre-temps, je suis allée faire des courses. Les enfants n’ont toujours pas repris l’école et il faut bien qu’ils mangent. Depuis le boucher, je réponds immédiate-ment avec mon téléphone qu’ils peuvent « count on us », ce que le correcteur automatique qui n’aime pas l’anglais transcrit en « country onions ». Je suis obligée d’envoyer un deuxième mail pour m’excuser de mon piètre anglais.
11 h 36. Mail de Natalia, la comptable de notre agence de graphisme polonaise Podpunkt. J’aime bien Natalia, elle com-prend le français, c’est plus pratique pour discuter, en particulier quand il y a des problèmes. Et là nous en avons un gros : « Ça fait presque un mois depuis ton dernière mail et malheureusement on n’a pas reçu le paiement. Nous voudrions contacter ce qui est responsable pour la suspension de ce paiement. C’est pour lui expliquer que l’étape suivante de notre part sera d’envoyer une lettre officielle à la direction de l’université. On attend de-puis longtemps pour résoudre ce problème. Merci beaucoup, j’attends ton réponse » (sic). Longtemps est un euphémisme. En septembre, Luc a reçu de l’INSHS quelques milliers euros dans le cadre de la préparation d’un dossier d’ERC, qui sont donc tombés dans les lignes budgétaires de son laboratoire, THALIM. Nous en avons alloué une partie pour la boîte de graphisme. Je me suis occupée de mettre aux normes la facture. La graphiste a du mal à comprendre le principe devis/émission d’un bon de commande/facture avec le numéro du bon de commande issu du devis, mais à sa décharge ce n’est pas très simple. Il faut ensuite envoyer la facture à la Direction des Comptes et de l’Information Financière, Service central du traitement de la dépense DCIF-SCTF, 2 rue Jean Zay 54519 Vandœuvre les Nancy Cedex. Au CNRS, depuis quelques années, toutes les factures sont déma-térialisées. Mais cette fois-ci, sans qu’on sache bien pourquoi, le paiement a échoué (on apprendra plus tard que c’est parce que le fournisseur avait été créé deux fois). La graphiste m’a envoyé des dizaines de mails, tantôt sur un ton amical, tantôt moins amène. Nous avons contacté la secrétaire de THALIM, qui elle-même a essayé de contacter la DCIF. On ne peut pas les contacter par téléphone, quand il y a un problème il faut « générer un ticket » pour que quelqu’un envoie un mail. Mais là personne n’a répondu. Au bout de six mois, c’est Alain Schaffner, le directeur d’unité de THALIM, qui a dû en personne alerter la délégation régionale dont le laboratoire dépend afin que celle-ci prenne le taureau par les cornes et résolve cette situation. 11 h 37. Nous relançons Alain qui nous répond que la DR1 l’a justement informé que la facture serait honorée demain… Méfiant, Alain attend quand même une confirmation de paiement. Mais c’est quand même la première bonne nouvelle de la matinée.
Cet instantané est parlant. En deux heures, pendant que je ré-digeais parallèlement mon habilitation à diriger des recherches, il a fallu que je me démultiplie pour régler simultanément « tous les malheurs du monde », doux euphémisme en matière de gestion d’un projet de recherche.
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August 2024